Morgane : mort du duc Gorlois
Son père étant parti faire la guerre à la demande du roi Uther, Morgane errait sur les remparts, emplie de noirs pressentiments.
Un jour, Gorlois fut de retour au château. Alors qu'Ygraine accourait à sa rencontre, Morgane s'enfuyait sur les remparts frappés de vent et de pluie ; les servantes ramenèrent l'enfant qui criait de peur et de chagrin : "Mon père est dans la nuit, mon père se meurt ; je vois le sang de mon père et la lance dans son coeur !". répétait-elle sans trêve.
Gorlois la repoussa violemment et entra avec Ygraine dans leurs appartements d'où il ne ressortit qu'un peu avant l'aube.
Le jour se faisait blafard, lorsqu'un tumulte se fit à l'extérieur : une charrette ramenait le corps inanimé de Gorlois de Cornouailles ! le fer d'une lance était encore fiché dans son coeur. L'écuyer raconta comment son maître était tombé dans une embuscade, deux heures à peine avant son arrivé sur le lieu du combat, et était mort au milieu de la nuit. Morgane se mit à hurler avant de s'effondrer sur le corps de son père. La duchesse, plus pâle que le mort qui gisait devant elle, revivait la scène de la veille au soir !
Les semaines qui suivirent laissèrent à Morgane un souvenir confus et douloureux,où se mêlaient la mise en terre de son père, l'arrivée triomphante du roi Uther, son serment d'épouser Ygraine à la fin du deuil puis les malaises de sa mère. Elle était hantée par la nuit au cours de laquelle son père était mort : elle le voyait pénétrer dans les appartements de sa mère et on lui rapporté la mort de celui-ci au milieu de la nuit ! puis les servantes murmurèrent que la reine attendait un enfant ...Celui du Duc ?
Le roi Uther revint en hâte et le mariage fut célébré dans la chapelle devant les filles d'Ygraine et de Gorlois et quelques serviteurs. Uther décida de ne plus quitter Tintagel avant la naissance de l'enfant. Entre Morgane et le roi, la guerre était ouverte ! Ygraine n'avait d'yeux que pour son nouvel époux ; quant à Morgause et Anna, toujours douces et réservées, elles adoptèrent sans rechigner leur nouveau père. Morgane commença à courir la lande et les grêves, solitaire. On la voyait dormir au centre des cercles de pierres qui parsèment la bruyère ou se faufiler dans les grottes marines habitées de serpents visqueux.. La forêt aussi l'attirait, et les guérisseuses des hameaux perdus recevaient souvent sa visite. Elle ne craignait ni les bosquets sacrés, ni les bois des antiques sacrifices. Ygraine avait renoncé à donner des maîtres à celle qui ne serait pas duchesse de Cornouailles.
Vint le jour où l'enfant allait naître. Personne ne comprit pourquoi elle exigeait la présence de sa fille aînée auprès d'elle. Morgane noua ses mains à celles de sa mère, son regard rivé au sien et se mit à murmurer des mots anciens que personne ne comprenait plus. Puis elle parla plus distinctement :
- "Elles sont là, rassure-toi, elles sont venues t'entourer. Je vois leurs robes blanches, les étoiles sur leur front et leurs mains tendues au-dessus de ton ventre ; rassure-toi, ton roi va naître au milieu des fées. Laisse venir l'enfant" les servantes tremblaient...
L'enfant vint au monde,poussa un cri et selon l'ancienne coutume, Uther l'éleva sur ses deux mains dans la lumière des chandelles pour montrer qu'il le reconnaissait comme son fils.
-"Voici mon fils, Arthur, le fils de Pendragon, le roi qui règnera sur les deux Bretagnes" proclama-t-il d'une voix forte avant de déposer le petit bébé dans les bras de sa mère. Morgane était là, éclatante. Elle s'enfuit de la chambre en pleurant : le petit prince Arthur n'était pas l'enfant de Gorlois !!!
Dans les jours qui suivirent la naissance d'Arthur, la vie de Morgane sembla s'adoucir. Sa mère la réclamait sans cesse auprès d'elle et ne confiait le bébé qu'à elle seule. Lorsque Uther avait offert à son épouse les parures d'or pour la remercier de lui avoir donné un héritier, il avait tendu à Morgane un collier d'ambre que la jeune fille avait accepté de porter. Depuis régnait une paix fragile. La présence de son petit frère comblait Morgane de joie. Elle s'était prise pour lui d'un amour farouche, d'une passion comparable à celle qu'elle vouait à son père... mais son bonheur ne dura que trente jours.
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