Légendes Arthuriennes et autres

Légendes Arthuriennes et autres

Morgane : Merlin entre en scène

Un soir, tandis qu'une brume épaisse enveloppait peu à peu la citadelle endormie, un pas lent retentit dans les couloirs du château endormi. Uther qui avait pourtant fait doubler la garde et posté des sentinelles jusque devant les souterrains, se saisit promptement de son épée et se planta devant la porte. Celle-ci s'ouvrit doucement, une ombre s'allongea sur le sol, une odeur de bois, d'humus et de mousse envahit la pièce. Un inconnu se tenait là, de haute taille, maigre et sombre, vêtu de laine rugueuse et de peau de cerf. On ne pouvait lui donner un âge précis. Planté là sur le seuil, immobile, il fixa son regard sur l'enfant que la reine saisit instinctivement dans ses bras.
-Merlin ! hurla Uther, crevant soudain le silence. Que viens-tu faire ici ?
- Je viens chercher ce que tu m'as promis voici dix mois sur la lande de Tintagel! tu voulais Ygraine et cet enfant en fut le prix à payer pour mon aide. Ce marché était à ton goût ce soir-là ironisa Merlin.
Morgane, présente dans la pièce, comprit aussitôt comment sa mère avait été abusée et comment les ruses de Merlin avait permis à Uther d'entrer à Tintagel sous les traits de Gorlois. Elle savait déjà qu'Uther était le père d'Arthur. Elle devina aussi, tremblante d'horreur, que la magie de cette nuit lointaine avait entraîné la mort de son père et que la récompense réclamée par Merlin était l'enfant, son demi-frère. Elle sentit une haine incontrôlable l'envahir. Elle aurait voulu dans l'instant tuer le roi Uther et Merlin avec lui.
A travers ses larmes, elle vit Merlin se pencher, prendre le nouveau-né des bras d'Ygraine qui sanglotait, l'envelopper dans sa cape et se diriger vers la porte. Lorsqu'il passa près d'elle, elle entendit une voix qui résonnait dans sa tête :
- Ne me maudis pas Morgane, un jour nous nous retrouverons et tu comprendras. Ne me maudis pas car nous sommes plus semblables que tu ne le crois. Ne me maudis pas car ce n'est pas moi qui ait décidé de nos destins... et il sortit indifférent aux sanglots de la reine et aux menaces du roi. Morgane fut la seule à distinguer dans le cortège des blanches dames qui le suivaient en souriant. La dernière se rerourna et essuya de la main la joue de Morgane, toute mouillé de larmes.
A l'aube, Ygraine fit appeler sa fille aînée.
- Il ne faut pas pleurer, ni maudire, Morgane. Nous sommes tous désignés pour que s'accomplisse le destin que nous ne pouvons deviner. Depuis que le duc Gorlois m'a demandée en mariage, j'ai tenté d'oublier ce qui en moi appartient au monde des fées. La naissance de mon fils et l'arrivé de Merlin m'ont rappelé que je ne peux échapper à cet autre univers. Toi aussi, tu en est l'héritière, et beaucoup plus que moi. Il est temps pour toi de devenir ce que tu es. Tu dois partir loin d'ici, découvrir l'Autre Monde. Tu as déjà ressenti l'appel et la force de tes pouvoirs féeriques ; il va falloir maintenant que tu les explores puis que tu les apprivoises. Tu as encore beaucoup à apprendre, à découvrir... enfin, tu devras apprendre à maîtriser ton caractère trop humain, tes colères et ton goût du pouvoir.
- Combien de temps devrais-je rester loin de vous ?
-Là où tu vas, le tems ne coule pas de la même manière que chez les hommes. Tu auras le tant à voir, tant à savoir...
-Oui, mais combien de temps en terme humain? demanda Morgane tremblante d'angoisse.
- Pas moins de sept années de nos années humaines, lui répondit doucement Ygraine.
L'explosion de colère qui la veille encore aurait secoué Morgane ne se produisit pas. La grande fille planta son regar dans celui da sa mère, elle y découvrit le chagrin de perdre en même temps deux enfants mais aussi la fierté devant le destin qui attendait l'un et l'autre. La crainte, aussi, de toutes les épreuves qu'elles auraient à affronter, séparément.
Morgane s'inclina devant Ygraine.
-Je vous demande une journée et une nuit pour dire adieu à tout ce qui m'est cher. Demain, à cette heure-ci, je quitterai Tintagel pour où il vous plaira de me faire conduire.
Elle quitta la pièce sans ajouter un mot ; sur son visage, les derniers traits de l'enfance s'étaient soudain effacés.

 



05/02/2009
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