Lancelot - les tourments de l'amour
Lancelot combattit des bandits, des brigands, des monstres, des tyrans, des envahisseurs et des assassins. Il sauva des femmes et des enfants, des villages. Il lui arriva même de prêter main forte à des chevaliers de la Table Ronde aux prises avec des ennemis plus puissants qu'eux. Sur les champs de bataille, personnene semblait dépasser la vaillance de Sir Lancelot du Lac, pas même le roi Arthur. Lors des tournois, il remportait tous les prix.
- N'est-il pas le vassal le plus brillant dont un roi puisse rêver ? confiait Arthur avec fierté à son épouse Guenièvre.
Mais Guenièvre se contentait de baisser les yeux sur son ouvrage de broderie, les joues brûlantes et la bouche sèche. Son coeur battait au seul nom de Lancelot, si fort, qu'elle craignait qu'on ne l'entendit résonner dans la pièce.
-Toi aussi, ma dame, tu devrais remercier Dieu de t'avoir envoyer un tel chevalier servant ! ajoutait le roi ne se doutant de rien.
-Oh, je n'y manque pas, répondit Guenièvre, chaque jour que Dieu fait.
Chevauchant vers sa prochaine aventure, Lancelot regardait flotter sur sa lance, l'écharpe de Guenièvre qu'elle avait donnée en cadeau à son chevalier servant et son coeur s'emplissait de joie.
Il s'approchait d'un château, celui de Corbenic, fief du roi Pellés. Lancelot voulait y passer la nuit, si toutefois le bon roi acceptait de le recevoir et de lui tenir compagnie.
-Il arrive, dit une femme en noir au roi Pellés. Ainsi tu désires qu'il épouse ta fille, la douce Elaine ? Seulement il ne le fera pas de son plein gré.
-Il le faut pourtant pour que la prophétie s'accomplisse dit le vieux roi qui gisait sur son lit, près de la fenêtre. Son visage était creusé par la douleur, les draps rejetés découvrant l'horrible blessure qui lui déchirait la cuisse. Depuis que Balin lui avait malencontreusement porté ce coup au tournoi, le château était en ruines, la campagne avait été dévastée et sa blessure refusait de guérir. Il ne mourait pas, mais il ne se rétablissait pas non plus tout comme la nature qu'il voyait de sa fenêtre.
Mais la créature en noir ajouta :
-Il réserve son coeur à une femme et à une seule. Lancelot est amoureux de la reine Guenièvre, son coeur est fermé à toutes les autres.
Faché, le roi s'agita sur ses oreillers.
-C'est tout ce que tu peux m'apprendre ? je croyais que tu pourrais m'aider !
- Je peux t'aider, dit la femme en noir
Son visage était dissimulé par son capuchon et ses mains dans les larges manches de sa robe noire.
-Je peux aider à ce que se réalise la prophétie. Elaine et Lancelot auront un fils... fais confiance à mes artifices.
Pellés, l'imaginait très laide et vieille sous son capuchon, la peau ratatinée par les vapeurs nocives de ses chaudrons de sorcière. En revanche, sa voix était jeune, mélodieuse. Il lui dit :
-Fais ce qui est en ton pouvoir. Tant que la prophétie ne sera pas réalisée, je ne pourrai guérir et le royaume dévasté s'étendra jusqu'aux confins du monde.
Lancelot fut donc reçu au château de Corbenic. Il était quasiment en ruines, les étoiles brillaient à travers les murs béants et les chouettes se posaient sur les poutres brisées. Pourtant, le banquet que l'on donna en l'honneur de l'hôte fut aussi somptueux que ceux de Camelot. La fille du roi, la charmante et douce Elaine, était placée ne face de lui. Emerveillée, elle l'écoutait raconter, sans le quitter des yeux, ses histoires et aventures.
-N'avez-vous jamais songé à vous marier ? demanda innocemment le roi Pellés.
Il était allongé sur un divant, ses jambes reposant sur des peaux de mouton pour alléger sa souffrance.
-Un chevalier a besoin du réconfort et des soins d'une épouse ajouta-t-il.
- j'ai déjà donné mon coeur à une dame, avoua Lancelot en adressant un sourire à Elaine, je n'en aimerai aucune autre.
Elaine, à ces mots, s'étiola comme une fleur coupée. Alors, sans qu'il le remarque, quelqu'un emplit son verre. Ce vin était plus riche, plus foncé, plus capiteux et épicé et lui embrûma le cerveau.
Dans sa chambre, il n'y avait ni bougie, ni lampe, seules les étoiles étincelaient à travers la fenêtre.
Lorsque quelqu'un entra, Lancelot se dressa sur un coude - Qui va là ?
-C'est moi, mon bien aimé, c'est Guenièvre, ton amie ...
-Mais, comment es-tu arrivée jusqu'ici ?
- chut....
Le vin et le philtre qui y était mélangé troublait l'esprit de Lancelot, il n'était plus en mesure de réfléchir, seul son amour pour Guenièvre l'envahissait.
Il tendit les bras, la prit contre lui, la couvrit de baisers aussi nombreux que les étoiles dans le ciel.
Au matin, Lancelot s'éveilla alors que la lumière couleur du miel, tel un nectar puisé à même la fleur, envahissait déjà sa chambre. Il se tourna pour s'enivrer encore une fois de la belle Guenièvre, mais à côte de lui, se tenait .... Elaine.
Il sauta d'un bond hors de sa couche.
-Que faites-vous là ? que voulez-vous de moi ?
-Votre amour, dit-elle simplement
-Jamais !
-Mes baisers n'étaient-ils pas assez doux cette nuit ? aussi doux que ceux que tu m'as donnés ?
- Non, c'est impossible - j'ai été ensorcelé !
- C'est vrai, mais il le fallait. Votre destin est rivé au mien. Un enfant naîtra de notre union de cette nuit.
Lancelot rassembla ses vêtements à la hâte, pris de panique, horrifié par ce qu'il venait d'apprendre. Il attrapa ses bottes, il se coupa avec les éperons en les enfilant si vite. Des gouttes de sang tombèrent sur les draps. Fuyant Cobernic, il galopa aussi vite qu'il put vers Camelot.
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