La Bataille de Salisbury
Le roi Arthur, encore ému du trépas de son ami, retourna au camp. Un messager l'attendait devant sa tente.
"Roi Arthur, lui dit l'homme, je ne te salue pas car j'appartiens à ton ennemi, Mordred, roi de Logre ; sache-le, mon maître t'ordonne de quitter ces lieux, de vider ses terres sur le champ. Si tu y consens, il s'en souviendra de telle sorte qu'il ne cherchera pas à te nuire par la suite. Sinon, son armée assaillira la tienne dès demain. Mon seigneur a plus d'hommes que toi, l'issue de la bataille n'est pas douteuse. Accepte les conditions qu'il te propose, si tu ne veux pas périr avec tous les tiens".
Quoi ! Mordred, le parjure, poussait l'audace jusqu'à un tel degré d'insolence !! Le roi, outré, chassa le messager sans même l'honorer d'une réponse. Cette ultime provocation ne fit que confirmer le roi Arthur dans sa résolution première : demain à l'auber, son armée affronterait dans la plaine celle des barons félons.
Les hommes d'Arthur, malgré leur merveilleux courage, furent cependant en grande angoisse durant cette nuit qui précéda la bataille. L'armée de Mordred, à qui s'était rallié les plus hauts hommes de Sésoigne serat moitié plus nombreuse que celle des barons d'Arthur. A cette pensée, ces derniers se disaient entre eux qu'à moins d'un miracle du Ciel, il ne leur resterait plus qu'à bien mourir pour l'honneur de la Table Ronde.
Après avoir entendu brièvement la messe et s'être fait armer, Arthur, pensant avec raison que cette rencontre serait décisive, apporta le plus grand soin à disposer ses corps de bataille.
Quand il eut mis en place sa chevalerie, le roi pria chacun de bien faire "afin, dit-il que l'honneur de la Table Ronde en sorte grandi".
L'armée de Mordred débouchait maintenant du couvert des bois, à l'autre extrémité de la plaine.
Les craintes exprimées par les plus sages n'étaient que trop fondées : l'armée rebelle était bien deux fois supérieure à celle des vassaux fidèles. En outre, il fallait savoir que les deux premières échelles des forces de Mordred étaient composées de Saxons, qui détestaient mortellement le roi des Bretons. Bien armés, bien montés, ils avaient un âpre désir de vengeance et apportaient au combat une force sauvage qui rendrait cette rencontre tristement fameuse.
Enseignes déployées, étendards claquant au vent, l'armée de Mordred s'avançait lentement, dans une ordonnance impressionnante. En face, immobiles, les gens d'Arthur la regardaient venir. Au centre de l'ultime réserve de l'armée royale, flottait l'étendard d'Arthur, haut levé par Ken, le sénéchal (et frère de lait d'Arthur), l'étendard au dragon rouge, hérité de son père Uter Pendragon.
Les dés étaient jetés ! déjà les Saxons chargeaient...
Alors étrier contre étrier, flanc contre flanc, jaillissant de terre, telle une vague monstreuse, la première échelle de bataille d'Arthur, s'ébranla, lances baissées.
Qui décrira jamais pareil heurt ? l'écrasement des corps, le froissement de l'acier heurtant l'acier, la clameur assourdissante des hommes, le hennissement des chevaux, l'éclatement des lances... Ainsi commença la bataille, grande et merveilleuse, dont le triste renom devait traverser les siècles (la plaine de Salisbury est un site mémorable).
A la belle ordonnance de la charge allait bientôt succéder la confusion de la mêlée. Quand les lances devinrent inutiles, les épées, traits de lumière, resplendirent et aussitôt volèrent les heaumes, tandis que les lames tranchaient. Nul écu, nulle cotte de mailles n'aurait pu garantir le mieux armé des combattants contre une telle fureur.
Hélas, après ces rudes combats, la plupart des hommes des trois premièrs corps d'armée d'Arthur gisaient morts et les autres ne valaient guère mieux, tant ils s'étaient dépensés pour contenir les 6 corps d'armée de Mordred.
Alors, chargea la quatrième échelle de bataille d'Arthur, enseignes au vent, en poussant de telles huées que vous n'eussiez pu entendre le tonnerre gronder. Lorsque leurs lances furents brisées, les uns après les autres mirent l'épée à la main et jamais ne vit nul combat plus douloureux ni plus meurtrier, car ceux qui s'affrontaient maintenant étaient tous les anciens compagnons qui, hier encore, s'aimaient d'un amour sincère et qui, aujourd'hui, se haïssaient mortellement.
Leur fureur dépassait tout ce que vous pouvez imaginer : les morts et les blessés eux-mêmes, foulés aux pieds. En vain, ceux qui gardaient encor eun souffle de vie suppliaient-ils les combattants de les épargner ; blasphèmes et prières se perdaient dans le bruit des armes. Les chevaux se cabraient en hennissant de douleur et d'effroi.
Il restait en tout et pour tout, 72 chevaliers de la Table Ronde autour d'Arthur. Le roi s'en approcha, tout ému.
"Seigneurs, leur dit-il, cette bataille est la plus dure que j'aie jamais vue. Pour Dieu, qui êtes frères et compagnons d'arme, demeurez ensemble afin de vous soutenir mutuellement. Sinon, vous périrez, tous autant que vous êtes... Et avec vous périra le royaume des deux Bretagnes .."
-Sire, dit Ken le sénéchal, ne m'en dites pas davantage ; déjà Mordred se prépare à nous charger à la tête de sa dernière réserve. Son armée est deux fois plus nombreuse que la nôtre. Aucun de nous ne se fait d'illusion... songeons seulement à mourir en dignes compagnons...
Alors, les étendards du roi furent placés au centre de la ligne de bataille, sous la garde de cent chevaliers choisi parmi les plus hardis des survivants. Ainsi commença l'ultime affrontement...
Le choc fut terrible - maintenant le champ de bataille tout entier est jonché de cadavres. Vers l'heure de none, il ne demeurait pas 300 hommes valides sur les quelques milles combattants qui s'étaient affrontés. Des compagnons de la Table Ronde, seuls restaient debout le roi Arthur,Lucan le bouteiller, Girflet et Ken. Encore messire Ken était-il grièvement navré qu'il ne pouvait guère plus se tenir en selle... Ces quatre-là pourtant, rassemblent les survivants de leur parti en les adjurant de combattre jusqu'à l'extrême limite de leurs forces.
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