Légendes Arthuriennes et autres

Légendes Arthuriennes et autres

Le chevalier à la charrette : Lutte avec Méléagant

Le lendemain au lever du jour, il y avait si grande presse pour voir le combat qu'on n'y eût pu tourner son pied. Lancelot s'en alla entendre la messe tout armé, hors la tête et les mains. Puis il laça son heaume et vint réclamer au roi sa bataille.

- Sire Chevalier, vous l'aurez, dit-celui-ci et je vous promets que nul ne vous forcera de vous faire connaître. Pourtant, je vous en prie, par tout ce que vous aimez le plus, j'aimerais que vous puissiez ôter votre heaume.

Lancelot se découvrit et sitôt que le roi le vit, il le reconnût à grande joie. Il l'embrassa et lui souhaita la bienvenue, heureux de s'assurer qu'il n'était pas mort, comme le bruit en avait couru ; mais il ne lui souffla mot de la fin de Galehaut pour ne point le peiner.

Il le conduisit sur la place devant le château qui était grande et large, et il exhorta encore son fils à céder la reine Guenièvre et les prisonniers, mais Méléagant ne voulut rien entendre. Alors le roi recommanda aux deux champions de ne pas attaquer avant le signal ; puis il monta dans la tour, où il trouva la reine entourée d'une grande compagnie de chevaliers âgés et de dames. Après avoir pris place à une fenêtre de la salle, la reine à sa droite, il ordonna de crier le ban et de sonner le cor.

Sur-le-champ, les deux adversaires baissèrent leurs lances peintes, s'élancèrent l'un contre l'autre de toute la vitesse de leurs chevaux et se heurtèrent dans un grand fracas de métal. A cette heur dans tout le pays de Gorre, les prisonniers, les captifs priaient de tout leur coeur pour le chevalier qui combattait afin de les délivrer. Et sachez que Méléagant toucha l'écu de Lancelot avec une si grande force qu'il en disjoignit les ais ; la lance s'arrêta sur le haubert et vola en pièces comme une branche morte. Au contraire, le coup de Lancelot fit basculer le bouclier de telle façon que Méléagant se sentit rudement frappé à la tempe par son propre écu en même temps que le fer ennemi perçait les mailles de son haubert et glissait le long de sa poitrine. Il tomba à terre où ses armes sonnèrent.

Mais aussitôt il se remit debout, tandis que Lancelot descendait de son destrier comme celui qui jamais n'attaquerait à cheval un homme à pied. Il courut vers lui, l'épée nue en criant :

-Méléagant, Méléagant, maintenant je vous ai rendu la blessure que vous me fîtes jadis, et ce n'est pas en trahison !

A ces mots, ils se jetèrent l'un sur l'autre comme deux sangliers. L'un est rapide et l'autre encore plus ; ils se frappent de tant de coups pressés et pesants qu'ils dépècent leurs écus, que des étincelles jaillissent de leurs heaumes, que les mailles de leurs hauberts tombent et qu'à chaque coup coule le sang vermeil. Que de rudes, fiers, longs coups d'épée ! Chacun voulut arracher à l'autr le coeur ! Bientôt, le sang de Méléagant rougit son haubert blanc, mais Lancelot souffre de ses mains blessées sur le pont de l'Epée. A la fenêtre la reine voit qu'il faiblit.

- Lancelot, Lancelot, est-ce bien toi ? murmure-t-elle

Une pucelle qui était auprès d'elle entendit cela : elle se pencha et cria si haut que tout le peuple put l'entendre :

-Lancelot, retourne toi et regarde qui s'émeut ici pour toi !

A cause de la chaleur et de son grand émoi, la reine a écarté son voile et Lancelot en levant les yeux aperçut tout à coup ce qu'il désirait le plus voir au monde. Il en fut tellement troublé qu'il s'en fallut de peu que son épée chût ! Et maintenant, il ne fait plus que contempler la reine ! Il se laisse tourner et frapper par derrière ; il se garde si mal que Méléagant le blesse en maint endroit.

Mais derechef la pucelle crie :

-Lancelot qu'est devenue ta grande prouesse ? défends-toi que cette tour voie ce que tu sais faire !

Lancelot entend cela et il se ressaisit. A nouveau, vous eussiez pu le voir courir sus à Méléagant ; il le frappe de si grande force que l'autre chancelle deux fois, et bientôt il le harasse, et le chasse ça et là comme un aveugle ou bien un échassier. Alors le roi eut grand peine de son fils :

-Dame, dit-il à la reine, je vous ai honorée de mon mieux mais je n'ai pas souffert qu'on vous manquât en rien. En retour, accordez-moi un don. Je vois bien que mon fils n'en peut plus. Dame, votre merci ! faîtes qu'il ne soit pas occis par Lancelot !

-Beau Sire, allez et séparez-les, je le veux bien.

 

Le roi descendit et répéta les paroles de la reine . Aussitôt Lancelot remit son épée au fourreau : tel est celui qui aime, qu'il fait volontiers ce qui doit plaire à sa dame.

Mais Méléagant le frappe de toutes ses forces car son coeur est sans pitié.

- Comment, dit le roi ! il arrête et tu le frappes !

Et il fait saisir son fils par ses barons. Mais Méléagant criait qu'il avait le dessus et qu'on lui arrachait sa victoire et que Lancelot devait s'avouer vaincu parce qu'il avait quitté le champ.

- A l'heure que tu voudras appeler Lancelot à la cour du roi Arthur, il combattra de nouveau contre toi, dit le roi, et si tu es vainqueur la reine te suivra.

Cela fut juré sur les saints -

 



08/04/2012
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